La musique modifie notre cerveau

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Jouer d’un instrument est une activité très complète, qui a des effets bénéfiques sur le plan intellectuel et cérébral. A force de s’entraîner, les musiciens assidus auraient même un cerveau différent de la moyenne.

«Je respire musique, je réfléchis musique, je pleure en musique», chante Calogero dans son dernier opus. Présente dans chaque société humaine dès la préhistoire, la musique a façonné notre culture et notre évolution. En chacun de nous vit un mélomane, sensible et attentif aux mélodies qui nous entourent.

D’un point de vue scientifique également, le chanteur français ne croit pas si bien dire: faire de la musique est une activité extrêmement complète, qui mobilise de multiples zones cérébrales. Les spécialistes considèrent en effet cet art comme une sorte de langage, un système de communication qui déclenche dans notre cerveau toutes sortes de mécanismes. L’hémisphère droit et l’hémisphère gauche sont impliqués dans l’analyse des sons et des rythmes que nous entendons. C’est donc un réseau largement distribué qui s’active. Jouer d’un instrument fait appel à beaucoup de fonctions cognitives. Un pianiste, par exemple, mobilise des facultés auditives bien sûr, mais aussi visuelles, afin de lire la partition et regarder ses mains. Des facultés de proprioception interviennent également, de manière à placer et bouger correctement ses doigts sur le clavier. Finalement, il fait appel à son ressenti pour transmettre des émotions via la musique qu’il crée.

Des avantages cognitifs

La musique provoque des réactions chimiques dans notre corps

Les spécialistes appellent ce phénomène la «neurochimie de la musique». Ecouter ou jouer de la musique déclenche dans notre corps la sécrétion de diverses substances.

DOPAMINE: Célèbre neurotransmetteur, la dopamine engendre notamment des sensations de plaisir et renforce la motivation et l’endurance. Ecouter de la musique est d’ailleurs interdit dans les marathons officiels, car la sécrétion importante de dopamine que cela provoque est considérée comme du dopage.

CORTISOL ET SÉROTONINE: Ecouter une musique que l’on aime a le pouvoir de diminuer le niveau de cortisol, l’hormone responsable du stress. Parallèlement, elle augmente le taux de sérotonine dans notre corps, ce qui peut avoir un effet antidépresseur.

CENTRE DE LA RÉCOMPENSE: Les scientifiques ont pu observer que lorsqu’on écoute un morceau musical que l’on aime, le centre cérébral de la récompense s’allume. Le même phénomène est provoqué entre autres par la nourriture ou la sexualité.

Pratiquer régulièrement de la musique peut donc conduire à de véritables modifications au niveau cérébral. «De manière générale, être musicien améliore notre attention et notre mémoire de travail», constate la Pre Clara James, neuroscientifique à la Haute Ecole de Santé de Genève, à l’Université de Genève et violoniste professionnelle. «Différentes études ont également pu montrer que certaines zones du cerveau grandissent parfois en fonction de l’instrument pratiqué. Par exemple, chez les violonistes experts, la zone qui contrôle la mobilité de l’index est souvent plus importante». Plus la personne s’entraîne, plus ce type de modifications a tendance à apparaître. L’âge joue également un rôle important : un jeune enfant possède plus de plasticité cérébrale. Son système nerveux a donc plus de capacités à changer sa structure et son fonctionnement en fonction de son environnement et des activités qu’il pratique. «Quand un enfant commence la musique très tôt, des différences structurales peuvent se mettre en place, en particulier au niveau moteur, relève la Pre Clara James. Lorsqu’on joue d’un instrument, il y a une communication importante entre les deux hémisphères cérébraux pour permettre une bonne coordination. Par conséquent, les voies de communication entre les deux hémisphères sont renforcées».

Un talent inné?

Si l’entraînement semble être la recette pour devenir un excellent musicien, comment se fait-il que certains semblent doués pour cet art dès leur plus tendre enfance, sans même avoir eu le temps de suivre des cours de musique? Il semblerait que l’origine du don soit multiple. L’apprentissage joue certainement un rôle fondamental, mais il ne suffit pas. La culture a également beaucoup d’impact: un enfant de parents musiciens, qui a toujours baigné dans cet univers, a plus de chances de développer une sensibilité musicale. Le bagage génétique peut également entrer en ligne de compte, car le goût pour la pratique d’un instrument se cultive souvent en famille. Alors que se passe-t-il dans le cerveau des musiciens particulièrement doués? «Mon hypothèse personnelle, c’est que quelque chose se joue au niveau de la connectivité cérébrale, estime la Pre Clara James. Cela reste encore à prouver, mais je suis persuadée que ces personnes ont un meilleur "câblage" entre les différentes aires du cerveau que la moyenne».

Dans tous les cas, quel que soit votre niveau, la pratique de la musique est désormais reconnue pour ses nombreux effets bénéfiques sur notre corps et notre esprit. A consommer tout au long de la vie, et sans modération!

Bien vieillir avec la musique

Pratiquer de la musique tout au long de sa vie pourrait avoir des avantages pour lutter contre le vieillissement du cerveau. Par exemple, l’aire de Broca, qui sert notamment à produire et comprendre le langage, est moins rétrécie chez les musiciens seniors aguerris. Les spécialistes estiment également que jouer de la musique pourrait contribuer à retarder ou affaiblir l’apparition des symptômes de la maladie d’Alzheimer.

Recherche de participants

Encore peu d’études ont permis d’évaluer les bienfaits d’une activité musicale sur le quotidien d’un senior. Par conséquent, la Pre Clara James et son équipe mettent sur pied une étude innovante, qui consiste à offrir gratuitement à des retraités des cours de musique, une fois par semaine pendant une année. Des tests et scannings IRM seront également effectués. Pour participer, il faut être âgé entre 64 et 76 ans, en bonne santé, francophone et non-musicien. Pour en savoir plus : rad.heds@hesge.ch ou 022 388 56 13.

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 09/05/2018.