Une ordonnance d'autosoins contre l'anxiété

Et si, face à des poussées d'anxiété, notre médecin nous prodiguait un cours de physiologie suivi d'une ordonnance de «selfcare» (ou «autosoins») pour nous aider à acquérir nos propres outils pour faire baisser la pression?

Palpitations, «boule au ventre», maux de dos ou encore migraines et insomnies: bien souvent, l’anxiété ne dit pas son nom tout de suite et utilise le corps pour se manifester. Insidieusement, un processus peut alors s’enclencher avec la crainte que derrière les palpitations se cache un infarctus imminent ou que des douleurs à l’estomac ne soient le signe d’une tumeur. Prise dans un cercle vicieux de peurs, l’anxiété enfle et, tôt ou tard, une consultation médicale s’impose. «Très souvent, les patients sont pris dans un tourbillon de stress où s’entremêlent symptômes physiques, peurs diffuses, soucis personnels. Certaines investigations médicales sont nécessaires pour exclure tout problème somatique. Mais face à toute situation d’anxiété, il est crucial de prendre en compte le patient dans sa globalité pour l’aider et l’orienter au mieux, souligne la Dre Ariane Gonthier, spécialiste en médecine interne générale, médecine psychosomatique et hypnose médicale, présidente de l’Association romande de formation en médecine psychosomatique et psychosociale (ARFMPP) et auteure d’un article sur le sujet paru dans la Revue médicale suisse (RMS)*. 

Contre toute attente, la suite ne passe pas forcément par la prescription de médicaments: «La mise en place de stratégies personnelles peut être d’une très grande efficacité», poursuit la spécialiste. 

Un post-it sur le frigo

De la main du médecin, ou de sa propre plume, détaillée ou plus sommaire, l’ordonnance de «selfcare» sera d’autant plus efficace qu’elle se matérialisera sous une forme très concrète, aimantée sur le frigo par exemple. «Avoir sous les yeux chaque jour une mention aussi simple que "Ressourcement, une demi-heure par jour, quatre à six fois par semaine" est loin d’être anodin, souligne la Dre Ariane Gonthier, spécialiste en médecine interne générale, médecine psychosomatique et hypnose médicale et présidente de l’ARFMPP. Cela permet de se dire à soi-même (et aux autres si besoin): "Je dois m’occuper de moi aussi!" La suite est bien sûr personnelle: certains se ressourceront au contact de la nature, d’autres préfèreront la méditation, le sport ou les sorties entre amis. Le plus important est d’identifier ce qui nous ressource et de l’inscrire comme une routine sur la durée.»

Profonde remise en question

Si les experts restent unanimes sur l’importance d’envisager un traitement médicamenteux et/ou une psychothérapie pour les cas sévères d’anxiété, un tout autre volet de prise en charge s’ouvre en effet aujourd’hui. Et pour cause, «l’anxiété est un symptôme, la pointe émergée d’un iceberg qu’il s’agit d’explorer, note la Pre Johanna Sommer, directrice de l'Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance (IuMFE) de Genève et co-auteure de l’article paru dans la RMS. Bien souvent, cette base en souffrance se nourrit d’un déséquilibre, de besoins primaires qui ne sont pas ou plus respectés, d’un trop-plein de pression, d’une perte de repères. Oser faire ces constats, accepter l’idée que l’on souffre d’anxiété et que le mieux-être passe moins par un médicament "miracle" que par une remise en question profonde peut être difficile. Mais cette prise de conscience représente une grande part du travail à accomplir.» 

Comprendre les symptômes

Une alliée se dessine alors au sein du cabinet médical: la psychoéducation. Comme le rappellent les auteures de l’article de la RMS, la technique est encouragée par l’Organisation mondiale des médecins de famille pour la prise en charge des troubles anxieux. Elle repose sur «une intervention à la fois didactique et psychothérapeutique, visant à informer les patients sur leurs difficultés psychologiques, mais aussi à les aider à développer leurs compétences pour y faire face.» Première étape donc: expliquer les mécanismes physiologiques en jeu en cas d’anxiété. «Dans un contexte d’épuisement, de surmenage, tous les systèmes de réponse au stress sont mis à mal: le système nerveux autonome (lire encadré), les systèmes hormonal, immunitaire et le psychisme bien sûr, rappelle la Dre Gonthier. Pouvoir en parler avec les patients permet de les aider à comprendre leurs symptômes.» Et d’activer le deuxième levier: la prescription de «selfcare» (ou autosoin). «Bien sûr, ressentir du stress, de l’anxiété à certains moments de la vie est normal, mais tout l’enjeu est de mettre en place des stratégies pérennes, individuelles et efficaces pour se reconnecter à soi, pour se ressourcer afin d’affronter le quotidien comme des épreuves plus intenses», poursuit la Pre Sommer. Et d’ajouter: «C’est à ce prix-là que l’on tient à distance l’épuisement et une anxiété qui peut devenir récurrente, envahissante et susceptible d’ouvrir la voie à des risques de dépression ou d’abus de substances telles que drogues et alcool.» 

En tête des outils plébiscités et solidement validés par les études scientifiques: l’activité physique régulière, les techniques de respiration (cohérence cardiaque, respiration abdominale, etc.), yoga, hypnose, méditation de pleine conscience, sophrologie et le volet de la phytothérapie (préparations à base de lavande, valériane, passiflore ou encore mélisse notamment). Et la Pre Sommer de conclure: «Il est précieux de pouvoir être accompagné par son médecin dans ses démarches pour les intégrer pleinement et prendre confiance en ses propres ressources.»

En direct du système nerveux autonome

Il est celui qui rythme notre cœur, nous fait respirer ou encore digérer, le tout plus ou moins bien, plus ou moins vite, selon notre état de santé, mais également notre état émotionnel. Et pour cause, le système nerveux autonome est fait de deux entités complémentaires: le système dit «sympathique» – celui qui mobilise les ressources énergétiques et métaboliques, nous permettant de faire face aux sollicitations extérieures, déclenchant par exemple une montée d’adrénaline en cas de danger – et le système «parasympathique», qui apaise les réactions physiologiques et restaure les réserves énergétiques. Le risque: que nos vies trépidantes et stressantes sursollicitent le premier, aboutissant à un état de peur et de qui-vive permanent, et que le second, négligé, ne soit plus capable de compenser. Une solution: nourrir ce système «parasympathique». Comment? «En prenant soin de nous, indique la Pre Johanna Sommer, directrice de l'Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance (IuMFE) de Genève. Pour contrebalancer la "surstimulation du système sympathique", il est crucial d’agrémenter nos vies de moments de ressourcement et de repos. Un conseil basique, mais loin d’être évident lorsqu’on a la tête dans le guidon. Bien souvent, la réaction est inverse: on accélère, on s’oublie et c’est là que l’anxiété surgit comme une sonnette d’alarme.»

Gonthier, A., Sommer, J., Anxiété en médecine générale: quels types d’autosoins proposer?, Rev Med Suisse, 2022/781 (Vol.8), p. 930-933.