Zoom sur la « Boussole thérapeutique intégrative »

L’enquête populationnelle menée en 2021 auprès de la population romande ainsi que les divers Forums citoyens ont mis en lumière des freins majeurs à une prise en charge intégrative. Parmi eux : la difficulté de naviguer dans le système de santé. D’où l’idée du projet «Boussole thérapeutique intégrative».

Le constat semble sans appel à l’issue de l’enquête populationnelle menée en 2021 auprès de la population romande et des divers Forums citoyens organisés : il reste aujourd’hui ardu pour de nombreuses personnes de connaître les différentes options de soins possibles selon leur situation individuelle. Par ailleurs, elles ressentent que les professionnel·e·s de santé peinent à concilier les diverses approches (conventionnelles et complémentaires), ce qui freine leur bonne prise en charge.

Cet outil vise d’une part à faciliter l’orientation des patient·e·s et des thérapeutes parmi la multitude d’offres de soins, et d’autre part à promouvoir au sein de la relation avec leur médecin ou leur thérapeute une prise de décision partagée.

Dans la perspective de pallier ces freins, plusieurs projets expérimentaux axés sur la prise en charge intégrative ont été présentés à différents partenaires de terrain pour évaluer leur pertinence entre le printemps et l’été 2022. Le projet de « Boussole thérapeutique intégrative » est apparu comme le plus prometteur d’entre eux. Cet outil vise d’une part à faciliter l’orientation des patient·e·s et des thérapeutes parmi la multitude d’offres de soins, et d’autre part à promouvoir au sein de la relation avec leur médecin ou leur thérapeute une prise de décision partagée.

 

Naissance d’un Laboratoire citoyen

Ainsi, un Laboratoire citoyen a été mis sur pied pour développer de manière participative le concept de Boussole thérapeutique intégrative. Il s’agit d'un espace dans lequel des citoyens et des citoyennes se mobilisent pour poursuivre le travail initié avec l’enquête populationnelle, en contribuant activement à la production d’outils innovants en matière de prise en charge intégrative qui seront ensuite testés dans des lieux de soins existants. À l’automne 2022, un recrutement a donc été lancé auprès des personnes ayant participé à l’enquête populationnelle ainsi qu’auprès de participant·e·s recruté·e·s via les ateliers de formation proposés par la Fédération romande des consommateurs (422 personnes au total). Le premier Laboratoire citoyen en santé intégrative a pu ainsi démarrer en rassemblant au total une trentaine de « citoyenn·e·s-partenaires ».

Lors de quatre rencontres de travail, les personnes mobilisées ont exploré la définition du concept d’orientation au sens large. En a découlé une définition collective de l’orientation qui met avant tout l’accent sur le caractère dynamique et transformateur de cette expérience majoritairement décrite au travers de la métaphore de la « quête » et du « cheminement », et dont le « soi » représente le point de départ. Rapidement, le « soi » est entrelacé aux autres où la figure du guide (le ou la médecin, le ou la thérapeute, les proches) est souvent mentionnée. Or, le·la « guide » doit être en mesure de connaître les différents chemins possibles, de conseiller celui qui lui paraît le plus adéquat, son feedback servant aussi de critère d’évaluation pour l’orientation. La métaphore continue avec la description d’un cheminement qui se déroule par étapes et qui nécessite des repères et des coordonnées.

La qualité de ce cheminement va dépendre de critères que les groupes ont désignés au travers des métaphores de l’« équipement », du « sac à dos », de « ce avec quoi on part en randonnée ». Ce qui entre dans la composition de cet « équipement » reste à approfondir, mais son importance dans les expériences d’orientation ainsi que la diversité des éléments qui le compose se pressent.  

 

Une attention à soi

S’orienter exige une attention à soi, une connaissance de ce qui est adéquat pour sa propre situation, une capacité à transmettre cette matière et une attitude favorable à l’orientation. La personne doit ainsi notamment faire preuve d’ouverture, d’engagement, de résilience, reconnaître l’échec lorsqu’il surgit et accepter l’incertitude.

 Il s’agit avant tout de porter un regard distancié sur son parcours.

Pour ressentir le sentiment de s’être bien orienté·e·ou d’avoir été bien orienté·e, il s’agit avant tout de porter un regard distancié sur son parcours ; l’évaluation de la réussite d’une expérience d’orientation prend place dans une temporalité particulière, notamment dans la perception a posteriori d’un changement dans la situation de vie. Ainsi, une orientation est considérée comme étant réussie quand l’équipement est adéquat, la quête (ce qui est bon et a du sens) et le cheminement (ce qui est fait) sont congruents, le tout conjugué à un rapport à autrui satisfaisant. Plus spécifiquement, la réussite de l’expérience d’orientation repose sur une adéquation entre la quête et le cheminement, quand la personne a participé activement aux discussions et à la définition des objectifs à poursuivre, et quand le feedback des autres (professionnel·le·s de soins et des proches) valide les décisions qui ont été prises.  Enfin, l’expérience d’orientation consiste également en une évaluation de la direction prise et d’une potentielle ré-orientation. À l’inverse, sentiment de solitude ou d’insécurité et la confrontation à un jargon médical inaccessible sont synonymes d’un échec de l’orientation.

 

« Avant », « pendant » et « après » la consultation

Une réflexion collective a par ailleurs débuté concernant les temporalités et les lieux dans lesquels le ou la patiente est amenée à envisager et analyser son parcours de soin, soulignant la nécessité de penser la santé intégrative dans trois temporalités différentes : « avant », « pendant » et « après » la consultation. C’est un élément saillant qui sera travaillé par le collectif avec des apports de professionnel·le·s de la santé courant 2023.

Quelle forme prendra la « Boussole thérapeutique intégrative » ? Les possibilités sont diverses, en fonction du lieu de son déploiement (salle d’attente, lieu de consultation, domicile), du moment où elle intervient dans le cheminement des personnes, de la population à laquelle elle s’adresse et de la problématique de santé qui est en jeu. Il apparaît néanmoins central que cet outil serve aux échanges entre patient·e·s et professionnel·le·s, et soit en mesure d’inclure la plus grande variété de fractions populationnelles – faisant ainsi écho à la dimension d’inclusivité apportée à la définition de la santé intégrative lors de l’enquête populationnelle.

 

Perspective d’un « Collectif en santé intégrative »

Au sortir de ces premières rencontres, c’est aussi le fort potentiel d’un collectif en puissance qui émerge et qui oriente la suite du processus vers la consolidation d’un « Collectif en santé intégrative » véritable plus-value pour l’Initiative « Santé intégrative et société ». Les participants et participantes à ces premiers ateliers ont exprimé le désir d’échanger avec des pair·e·s ainsi qu’avec des professionnel·le·s, faisant ainsi preuve d’une ouverture d’esprit et d’engagement vers un changement désiré du système de santé dont sont mentionnées les limites rencontrées.

C’est aussi le fort potentiel d’un collectif en puissance qui émerge et qui oriente la suite du processus vers la consolidation d’un « Collectif en santé intégrative »

Les échanges entre le Collectif, des professionnel·le·s de santé et l’équipe du ColLaboratoire de l’Université de Lausanne (UNIL) vont se déployer au cours de l’année 2023 et vont permettre d’entrer encore plus avant dans la création collective de solutions innovantes en santé intégrative, notamment au travers de la mise sur pied de projets expérimentaux dans des lieux de soins et la mise à l’épreuve de d’autres projets inscrits dans l’Initiative « Santé intégrative et société ».